Du contrat de cohabitation au mariage : l’exemple suédois

Vivre ensemble, s’aimer, se protéger

© Hannah Busing

Au fil de mes lectures, je cherche à mieux comprendre ce qu’est le mariage, ce qu’il représente et comment il est appréhendé. Je voudrais donc m’arrêter aujourd’hui sur un article croisé dans Mariages et homosexualités dans le monde, dirigé par un collectif de chercheurs en sciences humaines.

Il y a une mine d’informations et de thèses intéressantes dans ce livre alors il est possible que je vous en reparle. Aujourd’hui je m’arrêterai cependant sur l’article consacré au concept d’égalité dans les pays scandinaves. Et je me concentrerai plus précisément sur l’exemple suédois. Bon en vrai, j’aime bien l’exemple suédois sur de nombreux sujets 🙂

Quel rapport avec le mariage me direz-vous ? Et bien justement ! L’ouverture du droit au mariage pour les couples homosexuels est le résultat d’un cheminement qui s’interroge perpétuellement sur l’égalité entre les individus. C’est ce qui fait qu’aujourd’hui la sexualité – au sens d’orientation sexuelle – est décorrélée de la question du droit au mariage.

Mariage et égalité

Le mariage est ouvert aux individus et leur assure une série de droits peu importe leur sexualité. Mieux même, le sujet n’est pas de considérer que la sexualité des individus n’importe pas. On considère plutôt que cette donnée fait partie de la sphère privée. Elle n’est donc pas différenciante d’un point de vue légal.

Dès le début des années 80, le gouvernement suédois a travaillé à la fois sur la place des homosexuels dans la société et sur une réforme du mariage. Ces deux réflexions répondent au principe d’égalité évoqué ci-dessus. L’interrogation porte à la fois sur l’importance de considérer l’homosexualité à égalité avec l’hétérosexualité (pas de différence entre les individus, quelle que soit leur vie privée) et sur la création d’une protection légale égale entre les couples non mariés et mariés.

© Madalena Devoso

Les réflexions ont commencé dès 1984, oui 1984 ! Au risque de paraître insistante, ça veut dire qu’en Suède on se posait la question de l’égalité entre homosexualité et hétérosexualité presque 30 ans avant que certains manifestent en France pour dire que la famille c’est un papa et une maman et que le pacs ça suffit bien pour les couples homo, etc. etc. C’est une des raisons, pour lesquelles j’aime bien les exemples suédois, ils ont très souvent une grande longueur d’avance !

De l’association domestique au partenariat enregistré

Bon je reprends. Au terme du débat parlementaire, deux lois de cohabitations ont été votées en 1987. Elles accordaient des droits et une protection aux couples cohabitants non mariés. Une loi concernait spécifiquement les couples homo, l’autre les couples hétéro. Il y avait donc une avancée avec une reconnaissance d’une « association domestique » pour les couples vivant ensemble mais le simple fait qu’il y ait deux lois était un facteur de discrimination. Il a d’ailleurs rapidement été remis en cause (dès 1994) et les deux lois ont été fusionnées en 2003.

2003, ça fait tard ! Mais, c’est aussi parce que dès 1994, un pas supplémentaire a été fait, avec le « partenariat enregistré ». Ce contrat accorde aux couples non mariés (hétéro et homo) une série de droits et devoirs très proches de ceux des couples mariés. Là encore, ils sont trop forts ces Suédois ! Je m’explique. Dès 1994, une loi a permis aux couples qui ne pouvaient pas se marier et aux couples qui ne voulaient pas se marier de s’inscrire dans un cadre légal. Certes, sur ce point, c’est seulement 5 ans d’avance sur la France, en même temps le « partenariat enregistré » c’est bien plus que le PACS. De fait, la série d’amendements autour de ce contrat a conduit à en faire un équivalent du mariage nous explique Marie Digoix dans l’article.

L’ouverture du droit au mariage aux couples homosexuels date, elle, de 2009, et les couples homo peuvent adopter depuis 2002.

En Suède, le cadre légal de la conjugalité et de la parentalité est donc pleinement égalitaire. Sur ces questions, tous les individus sont égaux. Il n’y en a pas de plus égaux que les autres pour reprendre la formule d’Orwell. Et moi je trouve ça super, simplement, et je voulais partager mon enthousiasme avec vous.

Marie Digoix, « Scandinavie. Le concept nordique d’égalité entre différenciation et universalisme », dans V. Descoutures, M. Digoix, E. Fassin, W. Rault (dir.), Mariages et homosexualités dans le monde, L’arrangement des normes familiales, Les éditions autrement, 2008