Votre jour de mariage

« Alors vivez heureux pour toujours, comme des amants et des amis »

Votre jour de mariage
© Tom Pumford

Des conseils à donner aux mariés, on en a plein mais aussi aucun. En effet, que peut-on leur dire sans donner des leçons de mariage et tout en partageant l’émotion qui nous habite en ce jour si particulier. Je trouve que ce joli poème résume parfaitement tout ce que l’on peut souhaiter et recommander à deux êtres que l’on aime et qui s’aiment. Il s’appelle simplement Votre jour de mariage et tout y est ! Cet été ce sont deux des meilleures amies de la mariée qui l’ont lu non sans émotion et larmes de joies. Comme un reflet de la douceur des mots. 

Aujourd’hui est un jour dont vous vous souviendrez toujours
le plus beau dans la vie de chacun.
Vous avez commencé la journée comme deux amoureux
pour la terminer comme mari et femme.

C’est un nouveau début, un voyage qui commence,
avec des moments précieux que vous chérirez.
Et même si par moments, vous êtes en désaccord
Il est certain que le plaisir l’emportera toujours.

Bien des conseils vous ont été donnés par le passé
quand les secrets de mariage ont été révélés,
Mais vous savez que les réponses se cachent au fond de vous,
Où les liens de l’amour vrai demeurent intacts.

Alors vivez heureux pour toujours, comme des amants et des amis
Vous qui êtes là ensemble, de l’amour plein les yeux,
Vous êtes à l’aube d’une nouvelle vie, qui, pour commencer,
attend de vous entendre prononcer : “Oui, je le veux”.

Et, avec de la chance, tous vos espoirs et tous vos rêves peuvent se réaliser
Puisse la réussite trouver le chemin de vos cœurs,
Demain peut vous apporter le plus grand des bonheurs
Mais aujourd’hui est le jour où tout commence.

Votre jour de mariage, poème anonyme. 

«L’amour vise l’énigme de l’autre»

La sagesse de l’amour, Alain Finkielkraut

Les philosophes et les écrivains parlent d’amour. Ils tentent même de le décrypter. Qu’est-ce qui fait qu’on aime ? Est-ce que cela vient de moi ou de l’autre ? Qu’est-ce qui en l’autre attire l’amour ?

Base de réflexion pour vos vœux ou pour une lecture de cérémonie, à vous de choisir ! Vous saurez comment utiliser cet extrait de La sagesse de l’amour de Finkielkraut autour de l’énigme de l’Autre !

l'énigme de l'autre

 

« Je t’aime.

Toi ? Tes mérites ? L’éclat de ton sourire ? La grâce de ta silhouette ? Ta fragilité ? Ton caractère ? Tes hauts faits ou le seul fait, miraculeux, de ton existence ?

« On n’aime jamais les personnes, mais seulement les qualités, affirme Pascal. Celui qui aime quelqu’un à cause de sa beauté l’aime-t-il ? Non, car la petite vérole qui tuera la beauté sans tuer la personne fera qu’il ne l’aimera plus ».

Selon Hegel, au contraire, aimer c’est attribuer une valeur positive à l’être même de celui qu’on aime indépendamment de ses actes ou de ses propriétés singulières et périssables.

Proust apporte une contribution inédite à ce vénérable débat, en donnant tort à tout le monde. L’amour ne s’adresse ni à la personne ni à la particularité, il vise l’énigme de l’Autre, sa distance, son incognito, cette façon qu’il a de ne jamais être de plain-pied avec moi, même dans nos moments les plus intimes. »

La sagesse de l’amour, Alain Finkielkraut

L’amour, c’est une haute exigence, une ambition sans limite

L’amour par Rainer Maria Rilke

Dans sa Lettre à un jeune poète, Rilke s’attarde sur l’aspect difficile de l’amour. C’est beau l’amour, c’est souvent de l’ordre d’une évidence et pourtant c’est aussi difficile. L’amour, c’est une haute exigence ça s’apprend et ça permet de s’apprendre soi-même. Qu’en dites-vous pour une lecture lors de votre cérémonie ?

L'amour est une haute exigence
© Samantha Pastoor

Il est bon aussi d’aimer ; car l’amour est difficile. L’amour d’un être humain pour un autre, c’est peut-être l’épreuve la plus difficile pour chacun de nous, c’est le plus haut témoignage de nous-même ; l’œuvre suprême dont toutes les autres ne sont que les préparations.

C’est pour cela que les être jeunes, neufs en toutes choses, ne savent pas encore aimer ; ils doivent apprendre. De toutes les forces de leur être, concentrées dans leur cœur qui bat anxieux et solitaire, ils apprennent à aimer. Tout apprentissage est un temps de clôture. Ainsi pour celui qui aime, l’amour n’est longtemps, et jusqu’au large de la vie, que solitude, solitude toujours plus intense et plus profonde.

L’amour ce n’est pas dès l’abord se donner, s’unir à un autre. (Que serait l’union de deux êtres encore imprécis, inachevés, dépendants ?) L’amour, c’est l’occasion unique de mûrir, de prendre forme, de devenir soi-même un monde pour l’amour de l’être aimé. C’est une haute exigence, une ambition sans limite, qui fait de celui qui aime un élu qu’appelle le large.

Rainer Maria Rilke, Lettre à un jeune poète

J’ai toujours ton cœur avec moi, E.E. Cummings

Pour les vœux ou un discours de cérémonie

Parfois les poètes ont les mots qu’on n’arrive pas à trouver soi même. Parce que se dire qu’on s’aime ce n’est pas toujours évident. On a peur de trébucher. On hésite. On se dit que son discours sonnera trop comme ci ou trop comme ça. Dans ces moments là, on peut se référer à E.E. Cummings, et son J’ai toujours ton cœur avec moi. Qu’en pensez-vous ?

j'ai toujours ton cœur avec moi

J’ai toujours ton cœur avec moi
Je le garde dans mon cœur
Sans lui jamais je ne suis
Là où je vais, tu vas…
Et tout ce que je fais par moi-même est ton fait…
Je ne crains pas le destin
Car tu es à jamais le mien
Je ne veux pas d’autre monde, car
Tu es mon monde, mon vrai…
Tu es tout ce que la lune a toujours voulu dire
Et tout ce que le soleil chantera
C’est le secret profond que nul ne connaît
C’est la racine de la racine
Le bourgeon du bourgeon
Et le ciel du ciel d’un arbre appelé vie
Qui croît plus haut que l’âme ne saurait l’espérer
Ou l’esprit le cacher…
C’est la merveille qui maintient les étoiles éparses.
Je garde ton cœur
Je l’ai dans mon cœur.

 

E.E. Cummings, J’ai toujours ton cœur avec moi, 1958, 95 poèmes

Amour et voyage

Idée de lecture pour une cérémonie laïque

Parmi mes mariés, j’ai souvent des voyageurs. Je pense d’ailleurs à Laura et Yann. Ils ont visité de nombreux pays du monde seuls ou à deux et ils tiennent à ce que leur mariage soit placé sous le signe de leur passion commune. Ils m’avaient donc demandé de leur proposer un catalogue de textes faisant la part belle aux voyages et aux jolies métaphores qui y sont liées. Comme je suis d’âme généreuse, je partage avec vous un extrait de mes recherches sur les liens entre amour et voyage.

Voilà donc une nouvelle idée de lecture qui nous permet de constater, une fois de plus, que les Chédid cultivent le gène du talent !

amour et voyage

Aucune marche
Aucune navigation
N’égalent celles de la vie
S’actionnant dans tes vaisseaux
Se centrant dans l’îlot du cœur
Se déplaçant d’âge en âge

Aucune exploration
Aucune géologie
Ne se comparent aux circuits du sang
Aux alluvions du corps
Aux éruptions de l’âme

Aucune ascension
Aucun sommet
Ne dominent l’instant
Où s’octroyant forme
La vie te prêta vie
Les versants du monde
Et les ressources du jour

Aucun pays
Aucun périple
Ne rivalisent avec ce bref parcours :
Voyage très singulier
De la vie
Devenue Toi

Andrée CHÉDID, La vie voyage, Épreuves du vivant

Le mariage est un amour fou ou il n’est rien

Lecture sur le thème du mariage

mariage amour fou
© Gift Habeshaw

Est-ce que l’amour devient raisonnable quand on se marie ? C’est tout le contraire selon Jacques de Bourbon-Busset. Pour lui il n’y a qu’un adjectif qui peut parfaitement définir l’amour dans le mariage. C’est un « amour fou », oui « fou » ! Sinon « il n’est rien ». Le mariage ce n’est jamais une fin en soi, tout au plus une étape qui marque le début de quelque chose de plus grand encore. Je lui laisse la parole, il exprime si bien cet amour-là :

Le mariage est un amour fou ou il n’est rien.
L’amour durable, ce n’est pas l’amour qui se maintient,
C’est l’amour qui grandit avec le temps.
Dans une telle aventure qui a peu à voir avec l’institution conjugale, tout, chaque jour, se vit comme pour la première fois.
Il n’y a peut-être pas d’amour conjugal, mais il y eu un amour nuptial et c’est le plus grand.
Cet amour est sans retour, inconditionnel, à toute épreuve.
Il engage contre vents et marées tout le corps et tout l’esprit.
Quand un mariage est illuminé par cette fidélité dynamique, il devient le lieu d’une expérience mystique à l’état sauvage.
Les époux vivent dans l’absolu vit en eux. L’alliance de leurs deux angoisses crée un espace d’espoir.
Utopie ? Sans doute mais c’est la plus réaliste de ces utopies que de vouloir faire durer le vertige, selon la loi secrète de l’univers qui est que les obstacles sont des moyens, que le continu se nourrit du discontinu, que l’union naîtra de la différence.
L’amour le plus fou est dans le mariage car un mariage vrai ose s’affirmer devant les hommes que vivre, c’est avant tout aider cet autre à vivre.

le mariage est un amour fou

Jacques de Bourbon-Busset, cité dans Apologie du mariage d’Olivier Poivre d’Arvor, 1981, La Table ronde

La vie devant soi

Chronique d’un roman : La vie devant soi de Romain Gary

la vie devant soi

Ces derniers temps, j’avais envie de classiques. En faisant le tour de ma bibliothèque, j’ai retrouvé La vie devant soi. Ce roman fait partie des quatre que Romain Gary a écrits sous le pseudonyme d’Emile Ajar. Ce n’est qu’à sa mort que ses deux identités ont été réunies ; ça c’est pour l’anecdote littéraire. Pour le reste c’est un de mes livres préférés.

Il me fait sourire autant qu’il m’émeut, il donne à penser et fait écho à tant de choses toujours d’actualité, même 40 ans après sa première publication.

La vie devant soi, c’est l’histoire de Momo

Momo c’est pour Mohammed, il n’a « pas honte d’être arabe au contraire mais Mohammed en France, ça fait balayeur », alors il préfère Momo, ça évite les insultes et les préjugés. Lui jongle avec les clichés, il est arabe et élevé par une Madame Rosa ancienne prostituée, juive rescapée des camps qui garde un portrait d’Hitler sous son lit.

Et Momo raconte : sa Madame Rosa et le Belleville des années 70. La ribambelle de gosses, eux aussi enfants de prostituées, qui vivent comme lui chez la « vieille juive ». La crainte d’être dénoncés et d’aller à l’ « Assistance ».

Le Belleville de Momo c’est aussi Monsieur Hamil, le marchand de tapis qui lui apprend le Coran et Victor Hugo ; c’est madame Lola, l’ancien boxeur sénégalais, devenue « travestite » au bois de Boulogne, ce sont les frères Zaoum, déménageurs, qui transportent Madame Rosa quand elle ne peut plus monter ni descendre les 6 étages.

La vie devant soi, c’est une leçon d’humanité

la-vie-devant-soi

Ce livre est raconté par un enfant de 10 ans, qui se rêve flic et « proxynète » mais plutôt pour les vieilles prostituées, celles dont on ne s’occupe plus et qui ont besoin d’être protégées.

Sous ce regard naïf, Romain Gary dénonce l’intolérance sous toutes ses formes. A travers les mots de Momo, des mots écorchés, des mots réinventés, des mots plein de sens aussi, il révèle encore plus l’absurdité de certaines situations. Quand Madame Lola, l’ex boxeur sénégalais prend le relais de Madame Rosa, il ne peut que constater qu’il n’a « jamais vu de Sénégalais qui aurait fait une meilleure mère de famille que Madame Lola » et que c’est bien triste que la nature ne le lui permette pas.

Momo ne juge jamais, il raconte. C’est ce regard d’enfant que je souhaite à beaucoup, celui qui ne fait que constater. Qui, décidant de voir le bien ne voit que le meilleur, même quand c’est dur, même quand c’est triste.

La vie devant soi, c’est une histoire d’amour

Momo reprend souvent les mots de Monsieur Hamil, il en appelle notamment à sa « vieille expérience ». Et oui, Momo a déjà 10 ans ! Pourtant, même s’il joue les durs et grandit d’un coup, il s’émerveille encore devant les vitrines de Noël dans les grands magasins.

Il a déjà 10 ans et il n’a que 10 ans, peut-être 14 qui sait ? Mais Madame Rosa, elle vieillit, elle fatigue et elle perd la tête. Alors Momo s’occupe d’elle, il ne veut pas la lâcher et il essaie d’assumer quand Madame Rosa s’évade d’elle-même et tombe dans un état « d’habitude ». Parfois il craque, parfois il pleure, parfois même il rêve d’une autre vie. Oui, mais c’est juste du rêve car il sait qu’il ne laissera pas Madame Rosa. « On ne peut pas vivre sans quelqu’un à aimer » et Momo a trouvé sa personne, jusqu’au bout.

Bref, si vous cherchez un cadeau de Noël, offrez-le les yeux fermés. On ne peut que devenir meilleur en lisant ce livre.

Idée de lecture pour une cérémonie laïque

Le Lapin de velours, jolie lecture pour votre cérémonie de mariage

Trouver un texte qui nous parle et qui parle à tous peut se révéler un véritable casse-tête quand on prépare sa cérémonie laïque. Je vous avais conseillé dernièrement de vous tourner vers les livres pour enfants, en voici la preuve en quelques mots ! Je suis ravie de partager cette idée de lecture pour une cérémonie laïque avec vous !

Dans cet extrait du Lapin de velours de Margerie Williams, le cheval en peluche explique au lapin ce que c’est qu’être réel. Je ne vous en dis pas plus et vous laisse apprécier la lecture et la métaphore !

 

– « C’est quoi être réel ? » demanda un jour le lapin de velours.
Ils étaient allongés par terre, près du coffre à jouets. Nana allait bientôt entrer pour ranger la chambre.

– « Est-ce que ça veut dire se mettre à vibrer quand quelqu’un appuie sur notre bouton ?

– Non, répondit le cheval en peluche. D’abord, on n’est pas réel, on le devient. Quand un enfant t’aime, très, très longtemps, pas seulement pour jouer, non, mais quand il t’aime réellement, alors tu deviens réel.

– Est-ce que ça fait mal ? demanda le lapin.

– Parfois, répondit le cheval qui disait toujours la vérité. Mais quand tu es réel, ça ne te dérange pas qu’on te fasse mal.

– Est-ce que ça arrive en une fois, comme d’être remonté, ou est-ce ça vient petit à petit ?

– Non, ça n’arrive pas tout d’un coup dit le cheval en peluche. Tu le deviens. Ça prend beaucoup de temps. C’est d’ailleurs pour ça que ça n’arrive pas à ceux qui se cassent facilement ou qui ont des angles pointus, ou alors à ceux qu’on doit traiter avec précaution.

En général, le temps que tu deviennes réel, presque tous tes poils ont été usés d’amour, tes yeux tombent, il y a du jeu dans tes articulations et tu es très défraîchi. Mais peu importe, car quand tu es réel, tu ne peux pas être moche, enfin à part pour les gens qui ne comprennent rien. »

Que pensez-vous de cette belle métaphore de l’amour ?

Le lapin de velours, Margerie Williams, traduction Emilie Goulier

Le goût des merveilles – une déclaration

Ecrire ses vœux :  s’inspirer du film Le goût des merveilles

Je ne sais pas si vous avez eu l’occasion de croiser ce film au cinéma ou ailleurs. Si ce n’est pas le cas, je vous invite grandement à aller à la rencontre de ses personnages. C’est tout à fait mon genre de film avec des l’émotion et de la paysannerie mêlée à de la poésie. C’est déjà pas mal mais il n’y a pas que ça ! Allez voir, vous me direz !

Dans Le goût des merveilles, Pierre, fait en quelques mots une très jolie déclaration à Louise. Moi qui ai tendance à pleurer devant les pubs, à chaque fois que je revois cette scène, j’ai les larmes aux yeux. Et quand je l’ai vu la première fois je me suis dis que cela ferait des vœux parfaits lors d’une cérémonie laïque.

Comme je n’ai pas réussi à trouver l’extrait précisément pour vous montrer la vidéo, vous serez obligés de regarder le film en entier !

le-gout-des-merveilles

Pierre ne dit que ça, et il dit tout ça :

Je ne vais pas m’en aller, (…), je ne vais pas vous laisser toute seule. Je me sens beaucoup mieux quand vous êtes là. Quand vous n’êtes pas là j’ai l’impression que je vais tomber, que je vais partir en morceaux. Mais quand vous êtes là je suis bien, je sais où je suis. Quand vous êtes là je suis là.
(…)
J’aimerais que vous soyez là tout le temps, vous voir, vous revoir. (…)

Je craque ! Et vous ?

 

La valeur du mariage, Kierkegaard

Le mariage défendu par la philosophie

Valeur du mariage KierkegaardQuand j’ai lu l’Eloge de l’amour d’Alain Badiou, je me suis dit qu’il fallait que j’aille creuser du côté de Kierkegaard et pas seulement parce qu’il a un nom rigolo (ou imprononçable au choix !)

Badiou reprenait les trois stades de l’existence (esthétique, éthique, religieux) qu i sont au fondement de la philosophie de Kierkegaard et les inscrivait dans l’expérience amoureuse. Au stade esthétique l’expérience de l’amour est celle de la séduction, de l’immédiat, de l’égoïsme de la jouissance. Au stade éthique, c’est l’amour véritable qui expérimente son sérieux et au stade religieux on atteint la valeur absolue de l’engagement qui est validée par le mariage. Religieux évidemment le mariage, mais c’est Kierkegaard et nous sommes au XIXème siècle !

Sur cette base, je suis allée lire la deuxième partie de L’alternative (Ou bien Ou bien) et plus particulièrement le début intitulé « La valeur du mariage ».

Qu’est-ce que le vrai amour ?

Le narrateur s’appelle Wilhelm, il est assesseur (fonctionnaire juridique pour faire très bref). Il est marié et très heureux de sa situation. Wilhelm décide d’écrire une longue lettre à un de ses amis qui, sans être contre le mariage, a une très forte tendance à s’en moquer et défendre les plaisirs des premiers amours, de ces moments du tout début où l’on est dans la phase de conquête. L’ami, qui ne sera jamais nommé sous un autre nom, est un don juan, qui une fois la conquête accomplie considère que l’amour disparaît. Alors le mariage, ne lui en parlez pas !

kierkegaard valeur du mariageLe mariage serait monotonie, ennui, dénué de volupté et au final dépourvu de toute beauté, de toute esthétique. Le seul mariage qu’il soutiendrait serait celui où le couple vivrait dans la même maison mais pas ensemble comme deux célibataires qui se séduisent toujours en conservant leur mystère, cela fait parfaitement écho à cet article croisé dernièrement (la force des coïncidences ! D’autant plus que l’article n’est pas si récent).

Bref, face à cet ami, Wilhelm l’assesseur heureux en ménage, décide de défendre la valeur du mariage et particulièrement sa valeur esthétique. Non le mariage n’est pas dénué de beauté, et l’amour conjugal n’est pas moins beau que l’amour romantique, bien au contraire. Il « est possible de garder l’esthétique même dans la vie quotidienne ».

Défendre le premier amour et la séduction permanente, penser que l’amour cesse une fois le cœur de l’autre conquis c’est prendre le début pour la fin. Et au-delà de son ami c’est un peu le reproche que fait Kierkegaard aux récits chevaleresques qui s’arrêtent une fois que le guerrier a dépassé les obstacles et retrouve sa belle : « il n’est pas vraiment besoin de beaucoup d’art pour en arriver là, pourvu que les premières flammes de l’amour soient données (…) en revanche, il faut de la réflexion, de la sagesse, de la patience pour surmonter l’ennui qui suit d’ordinaire l’exaucement du désir. » Qu’aurait-il dit des Disney ou des comédies romantiques ?!

Premier(s) amour(s) vs amour conjugal

Le vrai défaut du premier amour c’est son immédiateté nous dit Wilhelm, certes on éprouve une sensation d’éternité, « les amants sont profondément convaincus qu’ils forment entre eux un tout parfait, à jamais à l’abri du changement », mais si on ne passe pas à un stade supérieur c’est très instable car « la tâche consiste à conserver l’amour dans le temps ».
Et « conserver l’amour dans le temps » ne veut pas dire essayer de trouver des raisons, des « parce que » au mariage et à l’amour conjugal. L’amour est premier dans l’amour conjugal, on ne se marie parce qu’on veut des enfants, parce qu’on a peur de la solitude ou pour toute autre raison. En cela, Wilhelm rejoint son ami qui s’amuse à demander aux gens pourquoi ils se sont mariés et se moque de leurs raisons raisonnées. Pour Wilhelm, l’amour est la substance du mariage et il est premier. On ne s’aime pas parce qu’on est mariés, on s’est mariés parce qu’on s’aime.

Donc le mariage est bien au niveau du premier amour en termes de beauté, l’amour est premier. Mais la force du mariage est qu’il dépasse l’immédiateté, il obéit à la loi du mouvement. Le mariage « s’élabore dans le temps », ce que l’ami appelle la monotonie, l’ennui de l’habitude est au contraire pour Wilhelm ce qui lui donne sa temporalité à l’amour conjugal et pose son caractère historique. C’est aussi par là qu’on apprend à connaître l’autre et qu’on peut aimer vraiment. En effet « pour aimer vraiment il faut savoir ce que l’on aime », les secrets et mystères du début ne sont pas de l’amour pour notre assesseur, mais ses prémisses.

La force « historique » du mariage

Chercher sans cesse les joies des premiers amours vantées par l’ami, ce n’est finalement que du désespoir, la recherche effrénée de la répétition d’un même moment, un moment immédiat qui ne pourra jamais s’inscrire dans le temps. A contrario la force de l’amour conjugal (et du mariage) réside dans le fait qu’il trouve son ennemi dans le temps, sa victoire dans le temps, son éternité dans le temps » et il y a bien plus de courage et de force à conserver un amour qu’à le conquérir : c’est une « éternité d’où le temporel n’a pas disparu comme moment idéal, mais où il est constamment présent comme moment réel », et c’est en ça que c’est beau ! Donc mariez-vous et faites vivre votre amour !